Olivier Gossa, céréalier : « Le pistachier va compléter notre modèle »
À Valensole, Olivier Gossa est céréalier, lavandiculteur et arboriculteur. Depuis deux ans, il s’est lancé dans la production de pistaches. Grâce à ce nouvel atelier, il espère renforcer la résilience de l’exploitation face aux défis commerciaux et climatiques.
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Des champs de lavande à perte de vue, ponctués de petits vergers d’oliviers ici et là, le tout sur un fond de paysage vallonné, à deux pas des gorges du Verdon et des sommets enneigés des Alpes. C’est dans ce décor idyllique qu’a toujours vécu Olivier Gossa. En 2017, à peine âgé de 22 ans, il est devenu chef d’exploitation dans la commune de Valensole, aux côtés de son père, Marcel Gossa. Sur cette ferme de plus de 200 ha, père et fils cultivent principalement des grandes cultures : « du blé dur, de l’orge, du pois chiche, du pois et de la féverole », liste Olivier en scrutant ses parcelles autour du siège de l’exploitation.
Si le vaste plateau de Valensole est connu pour être l’un des greniers de la région, les rendements sont loin d’être les meilleurs du pays. « En blé dur, si on fait 40 quintaux, c’est le bout du monde », illustre le jeune céréalier. Malgré les rotations, l’assolement et le travail sur la fertilisation, Olivier et Marcel peinent à atteindre la rentabilité avec leurs 130 ha de céréales et de légumineuses. Pas question pour autant de tirer un trait sur ces grandes cultures, spécialité de la ferme depuis plusieurs générations. « De toute façon sur ces sols secs, drainants et sans possibilité d’irrigation, nos choix de culture sont très limités, observe Olivier. On pourrait peut-être mettre de la vigne, mais c’est encore un autre métier. »
Avec la crise du lavandin, une transformation s’est imposée
Il y a huit ans, quand le jeune agriculteur s’installe aux côtés de son père, il compte sur le lavandin pour se verser un salaire. Cet atelier également historique sur l’exploitation représente environ 70 % du chiffre d’affaires. Mais en 2019, une crise sans précédent frappe le secteur : l’offre rattrape la demande et les cours s’effondrent. En développant les cultures de sauge et d’immortelle déjà présentes, Olivier et Marcel ont pu garder la tête hors de l’eau. Mais pour la suite, une réflexion globale s’est imposée. « On s’est demandé ce que l’on pouvait implanter, se souvient le céréalier. L’arboriculture nous a semblé être ce qui se rapprochait le plus de notre savoir-faire. »
Quentin Manes, ami d’enfance d’Olivier et fervent défenseur de la pistache, le met alors sur la piste de cette nouvelle culture qui commence à se développer dans la région. « Avant de se décider, on a regardé les facteurs climatiques », explique Olivier Gossa. Et « sur le papier », tout semble coller : cet arbre est parfaitement adapté au climat sec des Alpes-de-Haute-Provence. Il aime les étés chauds et ensoleillés, tout en ayant besoin de froid l’hiver. Le pistachier tolère aussi les sols pauvres et exige du vent pour sa pollinisation. Seul point noir, les gelées tardives qui peuvent parfois se présenter jusqu’au mois d’avril, sous l’effet du dérèglement climatique.
« Du chocolat Dubaï made in Valensole ? »
En février 2023, la famille Gossa se lance dans la plantation de pistachiers. D’abord 2 ha, puis 2 ha supplémentaires l’année suivante. Pour ce qui est de la variété, Olivier opte pour la Larnaka, moins commune dans les pays exportateurs comme l’Espagne ou les États-Unis. « Elle nous permettra d’avoir des pistaches vertes émondées », souligne l’arboriculteur. Utilisé principalement pour la transformation, ce produit a l’inconvénient de devoir être récolté manuellement avant que le fruit ne soit arrivé à maturité. Une contrainte qui n’effraie pas Olivier Gossa : « Notre force, c’est qu’on est habitué à avoir des saisonniers pour le lavandin. Travailler avec une équipe d’une vingtaine de personnes, ça ne nous fait pas peur ! » Autre avantage, la campagne de la pistache devrait suivre celle du lavandin, avec des récoltes entre le 15 août et le 15 septembre.
Pour l’heure, ces projections restent hypothétiques. Si près de 450 ha de pistachiers ont déjà été plantés dans le sud de la France, aucun verger n’est encore entré en production. Olivier devra, lui, attendre l’été 2028 pour espérer vendre ses premiers fruits à coque. « Il y a beaucoup d’inconnus, mais si on s’est engagé avec cette culture, c’est parce qu’on y croit. Le pistachier va nous permettre de compléter notre modèle, insiste-t-il. D’ailleurs, maintenant, on en voit partout. À Pâques, on entendait même parler d’une pénurie avec le succès du chocolat Dubaï [NDLR : une tablette de chocolat fourrée à la pistache]. Pourquoi ne pas imaginer du chocolat Dubaï made in Valensole ? » lance-t-il, espiègle.
Un pari qu’Olivier Gossa pourrait bien relever puisqu’il mise justement sur des débouchés de proximité avec les pâtissiers, glaciers et cuisiniers locaux. « Et ça sera un petit plus sur notre étal », se réjouit-il. Car c’est aussi la nouveauté développée sur l’exploitation depuis la crise du lavandin : un « sauvetage » par la vente directe avec un premier point de vente installé sur le siège de l’exploitation, à Valensole en 2023, puis un second l’année suivante au bord de leur parcelle à Gréoux-les-Bains et un autre qui devrait voir le jour cette année pour la saison estivale.
Un investissement humain et financier important
En écoutant le jeune arboriculteur dérouler le fil de sa pensée, difficile de ne pas se laisser convaincre du succès futur de la pistache sur le plateau de Valensole. À condition, bien sûr, d’y mettre les moyens. Financiers d’abord, puisqu’une plantation de ce type nécessite un financement d’environ 15 000 euros l’hectare, entre les plants et l’irrigation, pour implanter les arbres et sécuriser les rendements. Mais aussi humains, avec un temps de travail important dès les premières années. « Entre la taille régulière, les apports d’engrais, les traitements fongicides, insecticides, l’arrosage, l’attachage… C’est beaucoup plus d’entretien que l’olivier », témoigne l’arboriculteur qui cultive également ce fruit pour produire de l’huile sur un verger de 2 ha planté il y a une vingtaine d’années.
Malgré quelques frayeurs liées au Clytra (coléoptères qui se nourrissent des feuilles), les débuts des pistachiers sur l’exploitation sont prometteurs. « On commence à se sentir plus à l’aise », témoigne Olivier en attrapant la branche d’un arbre. Sur les bois, de premiers bourgeons commencent à sortir, laissant apparaître quelques tons rosés. Ce fruitier fait partie de ceux qui resteront en fleurs cette année. Les autres seront ébourgeonnés pour donner aux branches un maximum d’énergie. « On laisse 5 ou 6 arbres par parcelle pour mener des expériences et apprendre à connaître les différents stades de maturité », explique Olivier en examinant la petite grappe. Cette année encore, il lui faudra être attentif aux moindres détails… Pas question de laisser s’envoler les fruits de tant de promesses.
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